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Elza van den Heever, une Salomé en phase avec la société

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La soprano sud-africaine Elza van den Heever chante pour la première fois Salomé. C’est aussi la première mise en scène en France de l’américaine Lydia Steier. La direction musicale a été confiée à l’une des spécialistes de Richard Strauss, Suzanne Young. « Certaines scènes peuvent heurter la sensibilité des spectateurs » prévient la direction de l’Opéra national de Paris pour cette nouvelle production du 12 octobre au 05 novembre 2022 à Bastille. Rencontre avec Elza van den Heever avant une première très attendue.

Comment vous sentez-vous avant d’aborder la première et cette prise de rôle ?

Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question pour le moment. J’ai juste hâte de voir le travail se concrétiser après un an et demi de travail, car c’est vraiment le temps qu’il m’a fallu pour apprendre à me mettre dans ce rôle, et mettre ma voix dans mon corps. Actuellement, nous ne travaillons qu’avec le piano [interview réalisée le 30 septembre], qui est très percussif, et j’ai hâte de travailler avec l’orchestre pour ressentir les vagues orchestrales.

Salomé est l’un des opéras les plus sombres de Strauss. Comment sera cette production ?

Avec plus de noirceur et de profondeur, nous allons plonger dans la laideur de l’humanité. Il n’y aura pas de danse des sept voiles avec une belle mousseline, il n’y a rien de tout cela. C’est une production qui en phase avec la société, avec la guerre qui fait rage et le bouleversement climatique. Cela transparait dans cette production sombre. Mais qui est vraiment intéressante.

Comment avez-vous réagi quand Lydia Steier, la metteuse en scène vous a présenté le projet ?

Quand j’ai entendu entendu parler du projet pour la première fois, je me suis dit, waouh, ce n’est pas la Salomé que je rêvais d’interpréter pour la première fois. Quand vous jouez un rôle pour la première fois, vous voulez simplement tremper vos orteils dans l’eau chaude. Vous ne voulez pas submerger tout votre corps dans un océan. Mais, petit à petit, je fais surface, grâce à la magnifique équipe sur le plateau qui m’entoure et me protège.

Comment abordez-vous l’une des scènes cruciales de l’opéra, celle de la danse des 7 voiles ?

C’est difficile pour moi, car c’est un viol, c’est une sorte d’orgie sexuelle. Ce n’est pas facile d’interpréter ce rôle pour la première fois dans une telle production. Mais honnêtement depuis 4 semaines, je commence à en récolter les bénéfices. Je me sens plus forte. Je sens que je vais m’en sortir, que je progresse et que je vais pouvoir affronte plus facilement les choses qui me font peur.

Quelles réactions attendez-vous du public ?

Je pense que certains spectateurs seront choqués. Mes parents viennent d’Afrique du Sud, et j’ai essayé de les préparer à ce qu’ils allaient voir sur scène. Et j’ai anticipé leur réaction, surtout mon père, pour qu’il ne soit pas bouleversé parce ce qu’il va voir. Il m’a mis à l’aise en me disant : « écoute, premièrement c’est une histoire qui est racontée par des acteurs sur scène. Et deuxièmement, il y a tellement de d’horreurs dans le monde en ce moment que ce n’est qu’une représentation de cela« . Oui, les gens seront choqués. Mais ouvrez simplement vos fenêtres et regardez ce qui se passe autour de nous en ce moment. Il y a de la souffrance, de la laideur. Et nous ne faisons que la montrer sur scène.